Emile Gos (1888-1969) est un photographe professionnel et reporter vaudois. Très jeune, il développe une passion pour la montagne et l’alpinisme, une affaire familiale. Issu d’une lignée d’artistes et d’amis de la nature, son œuvre photographique est empreinte de cet héritage.

Assemblés sur le tard, vraisemblablement dans le cadre de la vente de son fonds à la BCU, les quinze albums Emile Gos de la Collection iconographique se donnent comme une manière de rétrospective. La plupart sont regroupés autour des thèmes régionaux pour lesquels le photographe est alors connu : Alpes vaudoises, Lac Léman, moissons ou vendanges. Deux d’entre eux pourtant paraissent plus singuliers. Si « Arbres, Forêts, Givre, Brouillard, Nuages » (IMC 14) reste représentatif de sa prédilection pour la nature, « Compositions, Acrobaties… » (IMC 12) incarne un mémorial plus inattendu de sa carrière et un hommage à la photographie.

Le premier témoigne de sa passion pour la nature principalement à travers le thème de l’arbre et du nuage. On y retrouve des images ayant servi à l’illustration de livres, telle une vue de montagne qui figure dans Entre Ciel et Terre d’Auguste Piccard en 1946 (Fig. 1). Certains clichés sont également reproduits dans d’autres albums de la collection Gos, comme celui sur les « Alpes vaudoises » ou le recueil sur le Lavaux. Mais ici, Gos les sort de leur contexte régional pour les compiler comme autant d’objets spécifiques et pour leur effet visuel. Son style rappelle alors l’esthétique d’Albert Renger-Patzsch et de la Nouvelle Objectivité, notamment dans les vues d’arbres et de forêts (Fig. 2).

Le second album synthétise une carrière professionnelle menée entre le studio et le plein air, et dont Gos est soucieux d’assurer la pérennité, tout comme dans son autobiographie Souvenirs d’un chasseur d’images, publiée à titre posthume en 1982, où il affirme : « Je veux simplement essayer de montrer combien intéressant et varié est ce métier, quand on le pratique sous tous ses aspects ». Son album pareillement condense sa vie en un ensemble hétérogène. S’y mêlent photomontages, cartes de vœux fantaisie, gros plans d’objets ou de machines dans la veine de la Nouvelle Objectivité (Fig. 3), vues de routes, quelques scènes de la vie quotidienne vaudoise – sa spécialité en tant que reporter –, mais également reproductions d’illustrations anciennes et de photos de sports d’hiver prises par d’autres. On pourrait y voir un reflet de son parcours et, pour certaines pages, une mise en abîme de sa profession (Fig. 4).

Soucieux de laisser une trace dans l’histoire de la photographie romande, Gos a lui-même sollicité la BCU, le 10 mars 1967, pour lui transmettre son immense collection d’images : « C’est sur le conseil de mon collègue et ami M. G. de Jongh que je me permets de venir vous demander si le Cabinet iconographique que vous dirigez s’intéresserait à l’achat d’une partie de ma grande collection de photographies avec les négatifs car, étant donné mon âge avancé, je pense me retirer des affaires d’ici à la fin de l’année. » Mis en contact avec Elisabeth Breguet, le photographe y dépose une grande partie de son patrimoine sous la forme d’albums et de négatifs, pour la somme totale de 23’000 francs suisses, montant remarquable en regard du budget annuel à disposition pour les acquisitions et qui témoigne de l’importance accordée à son fonds par les responsables.

V.K.