Elisabeth Breguet et la redécouverte de l’histoire de la photographie vaudoise

Plus qu’à toute autre personne, la redécouverte des richesses de la Collection iconographique doit beaucoup à Elisabeth Breguet (1909-1992), qui en 1981, après douze ans en charge du fonds à la BCU, en fait la source d’un livre déterminant pour l’écriture de l’histoire de la photographie en Suisse, Cent ans de photographie chez les Vaudois, 1839-1939, et d’une des premières expositions de photographie au Musée de l’Elysée. Son parcours révèle une figure atypique d’historienne de la photographie.

Repères biographiques

18 juillet 1909 : Elisabeth Jäggi naît en Tunisie au sein d’un milieu bourgeois cultivé, très en contact avec les artistes contemporains.

1919 : sa famille déménage à Lausanne, elle fait ses classes dans un pensionnat international à Gland puis à l’École Viret à Lausanne.

Années 1930 : elle entame des études d’agronomie à l’École Polytechnique à Zurich, où elle rencontre Alfred Breguet, son futur mari.

Fin des années 1930-années 1940 : après leur mariage, Alfred et Elisabeth Breguet s’installent à Lausanne, où ils mènent une vie bourgeoise ; la famille s’agrandit avec la naissance d’Alain – qui se destinera à la photographie mais décédera prématurément –, Georges et Anne.

Fin des années 1950-début des années 1960 : Alfred Breguet tombe gravement malade, Elisabeth décide de reprendre des études à l’École de bibliothécaires de l’Institut d’études sociales de Genève pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille. Elle obtient son diplôme en 1965 avec un travail sur l’« Etablissement des fichiers et organisation des archives photographiques d’une maison d’édition d’art ».

1965-1977 : elle est conservatrice au Cabinet des estampes de la Bibliothèque cantonale universitaire de Lausanne, à l’époque installé à la rue du Maupas. Après sa retraite, elle continue à travailler sur des mandats privés depuis sa maison à Cité-Derrière.

1979 : avec Charles-Henri Favrod et Armand Deriaz, elle est commissaire de l’exposition Les Deriaz, quatre générations de photographes vaudois au Musée des Arts décoratifs, l’une des rares institutions lausannoise à exposer alors de la photographie.

1981 : elle publie Cent ans de photographie chez les Vaudois, 1839-1939 aux Éditions Payot, sous l’impulsion de Bertil Galland, dans le sillage du grand projet éditorial de l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud (1970-1987). Très bien reçu par la presse suisse, le livre devient l’ouvrage de référence pour l’histoire de la photographie dans le canton de Vaud.

20 août-17 octobre 1982 : elle est commissaire avec Florian Rodari de l’exposition 100 ans de photographies vaudoises (1839-1939), qui montre pour la première fois au public quelques-unes des photographies reproduites dans son ouvrage. L’exposition a lieu au Musée de l’Elysée, qui accueille alors depuis deux ans le Cabinet des estampes avant de se consacrer exclusivement à la photographie dès 1985.

26 novembre 1992 : elle décède à Saint-Loup, Pompaples, Vaud.

(Notice biographique établie en grande partie grâce à l’entretien avec Georges Breguet, fils d’Elisabeth Breguet, le 27 mai 2015 à Genève)

André Gavillet, Communiqué de presse, septembre 1979 (Archives de la Ville, archives administratives, RMI, Musée des arts décoratifs 93, Série C 5542, Activités de Rose-Marie Lippuner)

« Les historiens, éditeurs et journalistes qui se sont adressés au Département des estampes de 1965 à 1977 ont appris à apprécier non seulement l’obligeance mais l’exceptionnelle compétence d’Elisabeth Breguet. Sans craindre de blesser sa modestie, disons que personne ne connaissait comme elle les photographes vaudois du passé, personne n’était, autant qu’elle, en familiarité avec leurs œuvres. Lorsque vint pour elle le temps de la retraite, nous avons couru le risque d’être privés, aux portes d’un territoire à peine cartographié, de l’un de nos rares guides. A tout prix, il fallait que Madame Breguet écrivît l’histoire de la photographie chez les Vaudois. Mais quels scrupules on dut vaincre. Comment pouvait-elle se jeter à l’eau alors que n’existaient pratiquement en ce domaine ni thèses, ni monographies, ni catalogues scientifiquement établis sur lesquels elle pouvait s’appuyer ? C’est rendre hommage à l’auteur de ce livre que d’avouer ses affres. L’opulence même du sujet, qui s’amplifiait à chacune de ses investigations, renforçait ses craintes et menaça plusieurs fois de la paralyser. Bien des explorateurs, avançant avec inquiétude, un pas après l’autre, ont fini par être reconnus comme les découvreurs courageux d’une terre méconnue. Leur grande qualité fut un mélange de connaissances et d’intuitions. »

Bertil Galland, préface à Elisabeth Breguet, Cent ans de photographie chez les Vaudois, 1839-1939, Lausanne, Payot, 1981 p. 4-5