Techniques et médiums

Atelier de Claire Nydegger, Institut Suisse de Rome, 1986.

Le nombre de techniques utilisées par Claire Nydegger prouve, si besoin est, la grande importance qu’elle porte au savoir-faire ainsi qu’à l’expérimentation : « c’est un peu comme si j’avais besoin de traiter un sujet avec plusieurs médiums pour en faire le tour ». La découverte de nouveaux médiums l’aide à ne pas s’épuiser ou se répéter, de manière à approfondir son sujet et à en montrer toutes les facettes. Il arrive aussi parfois qu’un mode d’expression lui permette de surmonter un blocage rencontré dans une autre.

Les techniques mises en jeu reposent naturellement sur une pratique intense du dessin. Ce sont la gravure sur bois, l’eau-forte et l’aquatinte, ces deux dernières étant souvent utilisées ensembles, la manière noire, l’aquarelle, la peinture à l’huile et, bien sûr, le lavis à l’encre, technique adoptée pour le carnet inspiré par la Divine Comédiede Dante. Claire manie avec aisance la gouge, qu’elle utilise pour attaquer avec franchise ses gravures sur bois. De même, elle connaît bien les différents procédés de gravure sur cuivre : pour ses eaux-fortes, elle recouvre ses plaques de vernis, avant de dessiner dessus à l’aide d’une pointe de façon à mettre la plaque à nu. Cette dernière est ensuite plongée dans l’acide qui ronge les parties découvertes afin qu’elles apparaissent noires à l’impression. De même, pour l’aquatinte, l’artiste saupoudre de colophane la plaque avant de la chauffer – pour fixer les grains de colophane – et de la tremper dans l’acide. Ce dernier ronge la plaque autour des grains, permettant des morçures plus ou moins foncés selon le temps d’immersion ; cette technique, associée à l’eau-forte, donne un résultat proche du lavis, la plume étant imitée par l’eau-forte et le lavis par l’aquatinte. Claire Nydegger connaît également bien la manière noire où toute la plaque est travaillée au « berceau » de manière à permettre au cuivre de retenir l’encre, avant d’être aplanie en certains endroits par les différents grattoirs et brunissoirs ; une fois imprimées, ces parties donnent des nuances allant du blanc au gris foncé, tandis que tout le reste de la plaque est d’un noir profond.

Dès les années nonante, Claire approfondit ses recherches sur la gravure en couleur, s’inspirant autant des estampes japonaises que des bois expressionnistes d’un Nolde, Munch ou Kirchner. Lorsqu’elle voit travailler le typographe de Voyelles avec des couleurs beaucoup plus transparentes, elle s’y essaie et développe rapidement un style très personnel avec des couleurs peu saturées. Ses bois sont gravés très finement, ce qui permet une application très délicate de la couleur. L’expérimentation de la couleur se poursuit avec la technique de la manière noire, médium du noir-blanc par excellence, que Claire adopte pour le livre Écoutez!, se rapprochant par là des pionniers de la taille-douce en couleurs de la première moitié du XVIIIe siècle (Leblond ou Ladmiral, par exemple). Pour illustrer les nuits étoilées d’Écoutez!, l’artiste saint-preyarde travaille sur deux planches – l’une destinée aux gris anthracite et l’autre au bleu cobalt – dont les impressions superposées sur une même épreuve permettent d’obtenir les nuances les plus subtiles entre les deux couleurs.

Concernant la peinture à l’huile, Claire s’intéresse aux techniques anciennes, avec ses huiles, ses copals et autre térébenthine de Venise , travaillant les surfaces en plusieurs couches successives, toujours gras sur maigre, avec de moins en moins de térébenthine et de plus en plus d’huile.

Si les résultats obtenus par ces procédés plutôt complexes sont exceptionnels grâce au travail ainsi qu’aux capacités techniques de l’artiste, Claire réussit tout aussi bien à tirer parti du hasard des gouttes d’eau en diluant l’encre de ses lavis ou la peintures de ses aquarelles, les œuvres qui en découlent gagnant en spontanéité. Une spontanéité mêlée à l’aisance technique du trait juste, sans reprise ni concession.