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Photo d’encre

Le livre de photographie à Lausanne, 1945-1975

Dans l’après-guerre, Lausanne s’impose comme un haut lieu de l’édition du livre photographique en Europe. Sous l’impulsion de grands clubs de livres notamment, soucieux d’offrir des ouvrages illustrés de qualité à un large public, se développe au cours des années 1950 et 1960 une production aussi prolifique qu’ambitieuse. Un savoir-faire unique s’y forme en matière d’impression héliographique, d’importantes collections y sont lancées, certains classiques y voient le jour, de Robert Doisneau à Paul Strand, dans un bouillonnement qui permet aussi à de jeunes photographes vaudois de publier leurs premiers ouvrages, tels Henriette Grindat, Yvan Dalain, Monique Jacot, Marcel Imsand ou Luc Chessex.

Loin d’être l’œuvre d’un auteur isolé cependant, le livre de photographie constitue alors une création éminemment collective, née du travail conjoint de l’éditeur, de l’écrivain, du photographe, de l’imprimeur et du maquettiste, encore employé de l’imprimerie. Au fil des années 1960 s’y adjoignent les figures émergentes du graphiste, qui externalise le travail de mise en pages, et de l’iconographe, chargé de fournir le premier en documents toujours plus nombreux.

L’extension collective vaut tout autant du côté du public : le livre de photographie profite alors d’une édition lausannoise où un certain savoir-faire artisanal vient progressivement se mettre au service d’une logique industrielle fondée sur la distribution de masse. Loin de se contredire, les deux dimensions vont ici se faire fructifier, tout comme vont se superposer deux horizons local et international, avec une diffusion mondiale de certains de ces titres.

Dans la tradition livresque française, les volumes photographiques lausannois se caractérisent dans un premier temps par une forte présence de la littérature et de la poésie, primat engageant des collaborations serrées entre écrivains et photographes, et des expérimentations multiples du rapport texte/image. Les années 1960 sont cependant marquées par l’ascendant croissant du nouveau graphisme suisse en terre romande et par l’essor de formes moins ancrées dans les modèles littéraires. Le livre photographique est alors également le lieu de multiples interactions avec les autres médias, comme le cinéma ou la presse illustrée, ainsi que le tourisme, l’industrie, la pédagogie ou la politique.

Tout comme elle ne commence pas en 1945, l’histoire de l’édition photographique à Lausanne ne se termine aucunement au milieu des années 1970. Elle tend néanmoins à changer. Le déclin des clubs de livres durant cette décennie signale aussi celui d’une certaine idée du beau livre pour tous. Le recueil de photographie se mettra à être de plus en plus conçu comme une œuvre d’auteur, portée par le photographe lui-même plutôt que commandée par l’éditeur ; sa diffusion se fera souvent plus restreinte.

La présente exposition virtuelle, forme de complément lausannois à la somme Livres de photographie suisses de 1927 à nos jours : une autre histoire de la photographie (Fondation suisse de la photographie, 2011), discute une quarantaine d’ouvrages ou de collections. La plupart de ces titres ont été conçus et confectionnés à Lausanne, certains, assez rares, ont été édités ailleurs par des photographes lausannois. Même si elle répond à une définition large du livre de photographie, bien au-delà du seul recueil d’auteur, la sélection n’en compose pas moins qu’un choix très partiel parmi les centaines de volumes produits à l’époque. L’analyse se structure selon deux axes principaux : celui des éditeurs d’abord, qui met en relief certaines maisons et collections phares, celui des thèmes ensuite, avec la discussion de quelques genres particulièrement féconds pendant la période.

Les études rassemblées ici se fondent toutes sur les riches collections de la BCU Lausanne. Elles sont issues d’un séminaire mené à l’automne 2012 dans le cadre du Centre des Sciences historiques de la culture, ainsi que des sections d’Histoire de l’art et d’Histoire et esthétique du cinéma de la Faculté des Lettres de l’UNIL.

— Olivier Lugon