Il y a encore une autre propriété au singe, qui convient fort à ceux-ci, et à tous les pères, mères et pasteurs, qui par la folle amour qu'ils portent à leurs enfants et à ceux qui sont sous eux, les corrompent et perdent. Car la folle amour que le singe a envers ses singeons est cause que jamais il ne cesse de porter ça et là celui qu'il aime le plus, et ne s'en peut assez soûler, tellement que, à force de le porter et de l'embrasser, il le tue à la fin, et puis est contraint de nourrir celui duquel il ne tenait compte, qui demeure en vie après la mort de l'autre. N'en font pas autant les fols pères et les folles mères qui nourrissent tant leurs enfants qu'ils les gâtent ? Par quoi il advient souventes fois que le bien qui leur devait advenir parvient aux mains des étrangers, voire de leurs ennemis mêmes.

Tiré de : Dialogues du désordre qui est à présent au monde (Genève, [Jean Girard], 1545, p. 562-563)