- Jérôme : Nous pouvons encore mieux connaître ceci par l'exemple que Plutarque raconte de Lycurgue, le législateur des Lacédémoniens. Il écrit que Lycurgue prit deux petits chiens qui étaient engendrés et nés tous deux d'un même père et d'une même mère, et en un même jour. Puis en donna un aux chasseurs pour le nourrir et l'autre aux cuisiniers. Puis, quand ils furent devenus grands, il les fit amener, et fit assembler le peuple de Sparte en une belle place. Puis fit mettre au milieu un lièvre et une soupe. Cela fait, il commanda que ces deux chiens fussent lâchés. Quand ils furent lâchés, celui qui avait été nourri par les chasseurs, et qui était accoutumé à la chasse, s'en court droit au lièvre ; et le chien de cuisiniers droit à la soupe. Car il se souvenait de la cuisine en laquelle il avait été nourri. Le peuple voyant cela était ébahi à quel propos Lycurgue lui avait mis ces chiens devant. De quoi il rendit la raison en cette manière, disant : « Avez vous vu, mes amis, ces deux chiens ? Ils sont frères, tous deux nés d'une même mère, et engendrés d'un même père, et en un même jour. Vous voyez toutefois la différence qui est de l'un à l'autre. Et d'où procède cette diversité ? Car ils sont tous deux d'une même nature. Ce donc qu'ils sont tant différents l'un à l'autre ne procède que de la diverse nourriture. Car pour ce que l'un a été nourri avec les chasseurs, et a été enseigné à la chasse avec eux, vous voyez comme il suit sa nature et sa nourriture. Mais à cause que l'autre s'est accagnardé à la cuisine, vous voyez comme il est abâtardi, et que la mauvaise nourriture, lui a fait oublier sa propre nature. Estimez qu'autant en adviendra-t-il à vos enfants, et que vous les trouverez tels que vous les aurez nourris. Car s'il y a quelque vice naturel en eux, il se pourra corriger par bonne nourriture et instruction. Et les semences de vertus qui sont en eux s'augmenteront davantage. Au contraire, quelque commencement et semence de vertu et d'honnêteté qui puisse être en eux, elle sera facilement étouffée et éteinte si la bonne nourriture et instruction ne lui aide à croître et à s'élever en haut. Et les vices et corruptions naturelles y prendront grand force, et aboliront tout le bien qu'y pouvait être.»
- Tobie : Voilà une bonne remontrance, pour un païen. Plût à Dieu que tous ceux de ce pays qui ont des enfants, et singulièrement les magistrats et pasteurs, qui dussent pourvoir pour les faire bien instruire, eussent telle considération. Je crois que nous aurions en bref un grand nombre d'hommes savants, sages et vertueux, tant pour régir l'Église, que la chose publique.

Tiré de : Dialogues du désordre qui est à présent au monde (Genève, [Jean Girard], 1545, p. 901-902)