Mais quand on parle de science et de vertu, et qu'on exhorte les parents à faire apprendre leurs enfants et les instruire aux bonnes lettres, plusieurs s'en gaudissent et disent : « En vain travaillerions-nous pour faire nos enfants savants. Car ce pays n'est pas terre à clercs. » Comme s'il tenait à la terre, non pas à eux ! Il n'en faut point mettre la coulpe sur la terre. Car je crois, que s'ils prenaient telle peine qu'ils dussent à bien instruire leurs enfants, et qu'ils leurs fissent autant fréquenter les bonnes compagnies de gents de bien et vertueux qu'ils leur laissent hanter les tavernes, les cabarets, les jeux, les bordels et la cuisine, ils connaîtraient que leurs enfants ne sont pas bêtes, non plus que ceux des autres pays, mais qu'ils sont hommes capables de raison et de sciences, comme aux autres lieux.

Tiré de : Dialogues du désordre qui est à présent au monde (Genève, [Jean Girard], 1545, p. 903)