- Tobie : Je suis ébahi de la vanité des entendements humains, qui prennent plaisir à se paître et nourrir de vaines opinions et de songes.
- Jérôme : Pourquoi dis-tu cela ?
- Tobie : Parce qu'il y en a tant et plus qui combien qu'ils soient tant coquins et bélîtres qu'à peine le peuvent-ils être davantage, et tant vicieux en toutes manières qu'ils peuvent être pris à bon droit pour un répertoire de tous vices ; toutefois ils sont si enflés et si glorieux, pour ce seulement qu'ils ont quelque vieux titre de noblesse déjà tout enfumé et tout rance, qu'il leur semble qu'il n'y ait noblesse qu'en eux, et que les autres hommes ne soient pas hommes à comparaison d'eux.
- Jérôme : Cela est un ordinaire déjà dès longtemps que les plus vicieux, et ceux qui font plus de déshonneur à la vraie noblesse, se glorifient le plus de l'ancienneté de leurs maisons, et de la noblesse de leurs prédécesseurs, s'ils en ont seulement quelque petit titre, voire encore bien mal fondé.
- Tobie : C'est parce qu'ils ne savent [ce] que c'est que la vraie noblesse. Car ils la mettent au sang et au parentage, et non pas en la vertu. Mais quand ils n'auraient jamais appris que c'est que vraie noblesse, sinon que par le commun langage des hommes, si est-ce qu'ils devraient [ils devraient pourtant] bien reconnaître leur faute en cet endroit. On dit en commun proverbe, voire même entre les paysans et rudes villageois : « Celui est noble qui fait la noblesse, et vilain qui fait la vilenie ».

Tiré de : Le monde à l'empire (Genève : Jacques Berthet, 1561, p. 161-162)