L’intérim fait par dialogues

L’intérim fait par dialogues
Lyon, [Claude Senneton], 1565, 461 p.

BCU Lausanne (1U 470 A et TH 3379, exemplaire numérisé)

L’Intérim est le dernier ouvrage que Viret a publié. Il est dédié à Gaspard de Coligny, amiral de France, passé à la Réforme. Alors que les Guerres de Religion déchirent le Royaume de France, Viret pose une question fondamentale : un Chrétien peut-il, dans le but de faire triompher la religion réformée, s’opposer à la violence par la violence ? La réponse de Viret est claire : la violence physique n’est pas un moyen licite pour les Chrétiens. Viret affirme de plus, sur la base de la Bible et de sa propre expérience, que la violence ne permet pas d’atteindre le but recherché. Toutefois, il ne s’agit pas de se laisser dévorer par les loups, mais de trouver le courage de s’opposer à eux de manière non-violente.
Pour la France divisée par la religion, Viret propose une solution provisoire qui verrait coexister les deux confessions, catholique et protestante, et laisserait à chaque individu le choix de sa religion. Cette situation tolérante ne devrait toutefois être que provisoire, selon Viret, qui est sûr que la « vraie religion » finira par triompher et par supplanter l’autre. La coexistence religieuse ne doit avoir lieu qu’en attendant ce jour, comme l’indique le mot latin interim (qui signifie littéralement en attendant). Viret affirme dans le même ouvrage que personne ne doit être forcé de croire en une religion plutôt qu’en une autre.

Extraits

Ainsi faut-il que les enfants et les serviteurs de Dieu fassent […] tout ce qu’ils doivent faire et qui leur est commandé et qu’ils n’en délaissent rien pour crainte des ennemis qu’ils peuvent avoir, tant grand que le nombre en puisse être, ni pour crainte des dangers qui les menacent ou qu’ils se peuvent proposer et imaginer. Car s’ils ne se voulaient mettre en devoir, sinon quand ils le pourraient faire sans ennemis et sans danger des hommes, et à leur commodité, et quand il y a de l’honneur et du profit mondain, il faudrait qu’ils se tinssent toujours cachés en leur maison comme des limaces et des tortues, et qu’ils ne se mêlassent point des affaires de Dieu et de son Eglise et de la République, sinon en beau temps et serein ; ains fissent seulement leurs affaires particulières, ne regardant qu’à leur propre honneur et profit selon le monde : comme s’ils n’étaient nés et créés hommes sinon pour eux-mêmes, et non pas pour servir à la gloire de Dieu leur créateur, et à leurs prochains qui sont créés à l’image de Dieu comme eux, et à la société humaine du corps de laquelle ils sont membres. (f. 2.iii v-2.iiii r)

Voici les meilleures armes que nous puissions avoir, non seulement pour nous défendre contre nos ennemis, mais aussi pour les combattre et vaincre. Ce sont des armes desquelles ils ne nous peuvent dépouiller, et auxquelles ils ne peuvent résister. Au moyen de quoi elles sont les plus puissantes et les plus propres que nous puissions trouver pour leur lier les pieds et les mains, et brider leur rage et leur fureur, et les tenir enchaînés comme bêtes sauvages. Car ce ne sont pas armes corporelles et terriennes : mais spirituelles et célestes, auxquelles Dieu donne telle vertu et puissance, qu’elles demeurent toujours invincibles contre toute la rage du monde. Car comme on dit en commun proverbe que « petite pluie abat grand vent », ainsi la douce parole, comme il est écrit apaise l’ire, et n’y a rien tant dur que patience ne rompe avec le temps. Et pour ce il est aussi écrit : « Le prince est appaisé par patience, et la langue douce brise les os ». Et nous voyons par expérience qu’une balle de laine ou de coton résiste mieux à la violence des coups de canons impétueux et furieux qu’une bien forte muraille. (f. 2.V v- f. 2.VI r)

Car si un homme est persuadé que l’opinion et la religion qu’il suit est bonne, et la tient pour vraie et certaine, on ne la lui arrachera pas du cœur et d’entre les mains, si on ne lui fait premièrement connaître son erreur, et s’il n’est persuadé d’autre persuasion contraire à la sienne première. Laquelle chose ne se peut faire, que par la doctrine prise de la pure parole de Dieu. Et pourtant, il n’y aurait point de raison, si au lieu d’amener les juifs et les turcs à la religion chrétienne par ce moyen, on les y voulait contraindre par glaives et par feux et par force et violence. Car on n’en ferait jamais un seul chrétien par ce moyen. (p. 389-390)

Interim fait par dialogues

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