Un homme exilé

Au début de l’année 1559, Viret et ses deux collègues sont accueillis chaleureusement par les Genevois, qui offrent aussitôt à Viret un poste de pasteur aux côtés de Calvin. En charge d’âmes à Genève pour la troisième fois, il restera dans cette ville jusqu’en 1561, participant activement à la vie ecclésiastique aux côtés de Calvin et profitant du temps à sa disposition ainsi que de la proximité des imprimeries pour éditer ou rééditer ses ouvrages. Son état de santé ne cesse toutefois d’empirer, et le 11 avril 1561 il rédige un premier testament. Les médecins lui recommandent vivement de ne pas rester un hiver de plus à Genève, mais de migrer vers le climat plus clément du sud de la France.

Genève au temps de Pierre Viret
Gravure sur bois de Mathieu Merian tirée de : Martin Zeiller, M. Z. Topographia Helvetiae, Rhaetiae et Valesiae, Francfort, 1654, p. 70 (BCU Lausanne AB 1861)

Viret prend congé du Conseil de Genève le 29 septembre 1561. Il arrive à Nîmes une semaine plus tard, dans un état physique critique. Quelques années plus tard, Viret écrira, dans son « Epistre aux fidèles de Nîmes », que lors de sa première prédication à Nîmes, il ressemblait plus « à une anatomie sèche » qu’à un être vivant, au point que certains membres de l’assemblée craignaient de le voir s’effondrer avant la fin de son sermon !
Il semblait à me voir que je n’étais que comme une anatomie sèche et couverte de peau qui avait là porté mes os pour y être enseveli. De sorte que ceux-là même qui n’étaient pas de notre religion […] avaient pitié de me voir jusqu’à dire : « qu’est venu faire ce pauvre homme en ce pays ? N’y est-il venu que pour y mourir ? Et même j’ai entendu que quand je montai la première fois en chaire, plusieurs, me voyant, craignaient que je ne défaillisse en icelle avant que je puisse parachever le sermon. (Instruction chrestienne, Genève, 1564, p. 3)

La prise de Nîmes par les protestants (1569)
Sous l’influence de Calvin, soutenu par Jeanne d’Albret, reine de Navarre, Nîmes abrita pendant quelques années une Université protestante et devint pendant le règne d’Henri II un des points stratégiques de l’extension de la Réforme en France. Lors des guerres de religion, les combats y furent acharnés. Cette scène, reprise dans la Cosmographie de Sébastien Münster, postérieure de quelques années au séjour de Pierre Viret à Nîmes, relate la prise de la ville par les troupes réformées en novembre 1569.
Eau-forte de tirée de : Jacques Tortorel et Jean Perrissin, Quarante tableaux ou Histoires diverses qui sont mémorables touchant les guerres, massacres, & troubles, advenus en France ces dernières années, Genève, 1569
(BCU Lausanne : 3E 499)

Après un passage à Montpellier, où il se rend tant pour prêcher la Réforme que pour consulter les membres de la célèbre Faculté de médecine sur son état de santé, Pierre Viret s’établit à Lyon en 1562. Il y est pris dans les turbulences des guerres de religion, qui débutent la même année. Signe du prestige dont il jouit en France, l’ancien pasteur de Lausanne préside le Synode national des églises réformées de France en 1563. En 1565, il doit toutefois quitter Lyon, contre son gré, un édit royal interdisant à tout pasteur étranger de prêcher dans le Royaume de France.

Le temple dit « de Paradis », à Lyon(1569)
Construit par Jean Perrissin, rue des Estableries, au centre de Lyon, entre Rhône et Saône, ce temple, qui doit son nom à un jardin préexistant, fut utilisé par les Réformés de 1564 à 1567, date de sa destruction. A noter les banquettes confortables destinées aux personnes de qualité, la séparation des hommes (qui portent l’épée) et des femmes, la présence des enfants, ainsi que le sablier destiné à limiter l’éloquence du prédicateur.
Oeuvre attribuée à Jean Perrissin, vers 1565
(BGE, Centre d’iconographie genevoise)

A l’invitation de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, mère du futur Henri IV, Viret s’établit en 1565 à Pau, en Béarn. Il devient le conseiller théologique de la reine et organise de manière pratique la Réforme sur ses terres. Il est également chargé, avec d’autres pasteurs, de rédiger des ordonnances pour une Académie en Béarn, sur le modèle de celles de Genève et de Lausanne.

Jeanne d’Albret, reine de Navarre (1528-1572)
François Clouet (vers 1515-1572), vers 1548, aquarelle, crayon noir, sanguine (Chantilly, Musée Condé, photo RMN)

Ni le lieu ni la date précise du décès de Viret ne sont connus, pas plus que son lieu de sépulture. Le 8 avril 1571, Théodore de Bèze écrit au Zurichois Heinrich Bullinger qu’il vient d’apprendre le décès de Viret. Le mort du réformateur est donc survenue vers la fin du mois de mars ou au tout début du mois d’avril 1571.

Ultime testament de Pierre Viret (détail)
Conservé aux Archives départementales des Pyrénées, à Pau, ce testament établi le 12 avril 1561, dont un résumé a été publié dans le Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français en 1865 (t. 14, p. 297-299), a souffert des injures du temps.
(Photo Claire Moutengou Barats, Institut d’histoire de la réformation, Genève)

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