Auguste Emmanuel Moser-Wagen, ou Auguste Moser, est volontiers appelé «le cuisinier des rois» pour avoir travaillé pour les familles royales d’Angleterre, du Danemark et de Norvège. Il est né à Vevey en 1881. Après son apprentissage, il parcourt l’Europe pour parfaire ses connaissances linguistiques et culinaires. Vers 18 ans, il entre à Londres au service du roi Edouard VII et de sa fille, la princesse Maud, épouse du Prince Charles du Danemark, son cousin germain. Tous deux sont les descendants de Christian IX du Danemark, surnommé «le beau-père de l’Europe», car ses enfants se sont retrouvés, entre la fin du XIX^e et le début du XX^e siècle, sur les trônes des royaumes du Danemark, d’Angleterre, de Grèce et de Russie (Fig. 1). En 1903, Moser quitte l’Angleterre pour suivre Maud et Charles au Danemark, au moment de la naissance de leur fils Alexandre, puis en Norvège en 1905, lorsque, suite à la scission de la Norvège avec la Suède, Charles accède au trône du nouveau royaume sous le nom d’Haakon VII. Son séjour en Norvège est documenté jusqu’en 1918, après quoi nous retrouvons sa trace à Lausanne en 1929, puis de 1939 à sa mort en 1952.

Auguste Moser consigne dans deux albums photographiques de grand format son expérience dans les cours européennes. Le premier se distingue par la richesse et la diversité de son contenu, même si la facture de son support reste assez banale. Il rassemble d’une part des photographies amateurs, pour une grande partie prises par Moser lui-même, qui attestent de sa proximité avec les royaux : voyage en Grèce avec Edouard VII ou dans le Nord de la Norvège, photographies du jeune prince norvégien en train de skier (Fig. 2) ou clichés de la princesse Maud dans ses appartements. D’autre part, des tirages argentiques de professionnels, parmi lesquels des portraits officiels des familles royales, complètent la collection. La plupart des images sont légendées, parfois datées, certaines ont été découpées pour les besoins de la mise en page ; dans de rares cas, l’auteur commente un détail ou une anecdote. Les familles royales constituent le sujet principal de l’album, alors que Moser lui-même n’apparaît que dans trois photographies (Fig. 3). Deux séries en fin d’album, sur les suffragettes et les débuts politiques de Winston Churchill, détonnent dans le contexte général : elles inscrivent l’histoire des familles royales dans une histoire politique plus large, sans qu’un lien direct entre l’une et l’autre puisse être établi. Plusieurs images datant des années 1930 indiquent que Moser a constitué son album après les événements qu’il relate, à partir de clichés collectés tout au long de sa vie.

Un deuxième album de facture plus artisanale est intitulé « Photos royales ». Il contient des portraits officiels en grand format des familles couronnées (Fig. 4), ainsi que d’autres types de documents protocolaires. Il est possible que le cuisinier ait d’abord réuni des photographies dans ce type de portfolio avant d’en faire une sélection pour l’album principal. Ce deuxième recueil contient exclusivement des photographies officielles, parmi lesquelles un portrait de la baronne Ritulesco accompagné d’une anecdote très personnelle.

Soucieux de faire partager ses souvenirs à un plus large public, Auguste Moser participe en juillet 1948 à une série d’« entretiens radiophoniques » dans lesquels il relate son passé aux côtés des familles royales. Il y détaille des anecdotes sur ses employeurs, tel que le goût d’Edouard VII pour les cigares forts, mais donne aussi des précisions sur son propre travail de cuisinier, un aspect qui n’apparaît guère dans les albums. C’est bien pourtant une même conscience de la singularité de sa vie et une même volonté de faire partager ses souvenirs qui le poussent à réaliser ces recueils.

 

« Le cuisinier des rois : Auguste Moser (1/2) : A la cour du roi Edouard VII », Auguste Moser interviewé par Paul Vallotton, Radio-Lausanne, 14 juillet 1948 (RTS Radio Télévision Suisse)

 

« Le cuisinier des rois : Auguste Moser (2/2) : A la cour du roi Haakon VII de Norvège », Auguste Moser interviewé par Paul Vallotton, Radio suisse romande, 16 juillet 1948 (RTS Radio Télévision Suisse)

 

A.C./F.Z.