Livre photographique politique

Livre photographique politique

La fin des années 1960 marque le début du déclin des grands clubs de livres lausannois, et avec eux de leurs collections photographiques, qui disparaîtront avec La Guilde du Livre et les Editions Rencontre au cours des années 1970. L’essoufflement n’est pas seulement économique : c’est aussi celui d’une certaine idée du beau-livre photographique à valeur pédagogique, destiné à répandre au sein d’un public familial un savoir encyclopédique. La montée de la contestation sociale et politique qui marque la période remet aussi en question cette culture-là et le système de diffusion qui la soutient. Mieux que tout autre, les deux recueils que publie Luc Chessex en 1969 et 1971 incarnent cette volonté de rupture. Le premier, Le Visage de la Révolution, entend témoigner de la ferveur du peuple cubain pour Fidel Castro, le second, Essai photographique sur la Suisse, dénoncer, comme en revers, la morosité de la société helvétique. Résolument engagés, ils tournent le dos au bel objet héliogravé pour des formes modestes et ostensiblement bon marché, aptes à une circulation publique autant que domestique. L’un prend la forme d’un petit fascicule souple noir et rouge, imprimé sur du papier commun ; l’autre renonce au principe même du volume relié pour se donner comme une addition de feuilles volantes cartonnées, ouvertes à tous les usages, toutes les appropriations, tous les éparpillements. Le texte, dont l’entremêlement avec la photographie avait constitué l’un des traits dominants de l’édition photographique lausannoise, s’y trouve marginalisé au profit d’un impact plus direct des images. De façon significative, les deux publications ne seront pas éditées à Lausanne, mais à Zurich chez Hans-Rudolf Lutz.